Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
I. Jésus est condamné à mort
« Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils vociféraient :
‘Crucifie-le ! Crucifie-le’’. Pour la troisième fois, il leur dit : ‘‘Quel mal a donc fait cet homme ? Je
n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait
donner une correction’’. Mais ils insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs
cris s’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur requête. Il relâcha celui qu’ils réclamaient,
le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, et il livra Jésus à leur bon plaisir » Lc 23, 20-25
Un Pilate effraqui ne cherche pas la vérité, le doigt accusateur pointé, et le cri croissant de la
foule enragée sont les premiers pas de Jésus vers la mort. Innocent, comme un agneau, dont le sang
sauve son peuple. Ce Jésus qui est passé parmi nous, guérissant et bénissant, maintenant est
condamné à la peine capitale. Aucune parole de gratitude de la foule, qui choisit plutôt Barabbas.
Pour Pilate, cela devient un cas embarrassant. Il s’en décharge sur la foule et s’en lave les mains,
bien attaché à son pouvoir. Il le livre pour qu’il soit crucifié. Il ne veut plus rien savoir de lui. Pour
lui, le cas est clos.
La condamnation hâtive de Jésus regroupe ainsi les accusations faciles, les jugements superficiels
parmi les gens, les insinuations et les préjugés qui ferment les cœurs et se font culture raciste,
d’exclusion et de marginalisation, avec les lettres anonymes et les horribles calomnies. Accusé, on
atterrit immédiatement en première page ; blanchi, on figure en dernière !
Et nous ? Saurons-nous avoir une conscience droite et responsable, qui ne tourne jamais le dos à
l’innocent, mais prend position, avec courage, pour défendre les faibles, en résistant à l’injustice et
en défendant la vérité violée ?
II. Jésus est chargé de la croix
« Jésus a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions
pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris. Car vous étiez errants comme des brebis ;
mais à présent vous êtes retournés vers votre berger ; le gardien de vos âmes » 1P 2, 24-25
Il pèse, ce bois de la croix, parce que sur lui Jésus porte les péchés de nous tous. Il chancelle sous ce
poids, trop grand pour un seul homme (Jn 19, 17).
C’est aussi le poids de toutes les injustices qui ont provoqué la crise économique avec ses graves
conséquences sociales : précarité, chômage, licenciements, l’argent qui gouverne au lieu de servir,
la spéculation financière, les suicides des entrepreneurs, la corruption et l’usure, avec les entreprises
qui abandonnent leur propre pays.
C’est cela la lourde croix du monde du travail, l’injustice mise sur les épaules des travailleurs. Jésus
la prend sur les siennes et nous enseigne à ne plus vivre dans l’injustice, mais à être capables, avec
son aide, de créer des ponts de solidarité et d’espérance, pour ne pas être des brebis errantes et
égarées dans cette crise.
Retournons, par conséquent, au Christ, Pasteur et Gardien de nos âmes. Luttons ensemble pour le
travail en réciprocité, vainquant la peur et l’isolement, récupérant l’estime pour la politique, et
cherchant à résoudre ensemble les problèmes.
La croix, alors, se fera plus légère, si elle est portée avec Jésus et soulevée par tous ensemble, parce
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
que « par ses blessures devenues meurtrières nous sommes guéris » (cf. 1P 2, 24).
III. Jésus tombe pour la première fois
« En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous
pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié.
Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé.
Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui » Is 53, 4-5
C’est un Jésus fragile, très humain, celui que nous contemplons avec stupeur en cette station de
grande douleur. Mais c’est précisément cette chute dans la poussière, qui révèle encore plus son
immense amour. Il est pressé par la foule, abasourdi par les cris des soldats, brûlant des plaies de la
flagellation, au comble de l’amertume intérieure à cause de l’immense ingratitude humaine. Et il
tombe. Il tombe par terre !
Mais dans cette chute, dans cette reddition face au poids et à la fatigue, Jésus se fait encore une fois
Maître de vie. Il nous enseigne à accepter nos fragilités, à ne pas nous décourager à cause de nos
échecs, à reconnaître avec loyauté nos limites : « Ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien -dit
saint Paul- mais pas de l’accomplir » (Rm 7, 18).
Avec cette force intérieure qui lui vient du Père, Jésus nous aide aussi à accueillir la fragilité des
autres ; à ne pas nous acharner sur celui qui est tombé, à ne pas être indifférent envers celui qui
tombe. Et il nous donne la force de ne pas fermer la porte à celui frappe à nos portes, demandant
asile, dignité et patrie. Conscients de notre fragilité, nous accueillerons parmi nous la fragilité des
immigrés, afin qu’ils trouvent sécurité et espérance.
C’est en effet dans l’eau sale de la bassine du Cénacle, c’est-à-dire dans notre fragilité, que se
reflète le vrai visage de notre Dieu ! C’est pourquoi, « tout esprit qui proclame que Jésus Christ est
venu dans la chair, celui-là est de Dieu » (1Jn 4, 2).
IV. sus rencontre sa Mère
« Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère :
‘Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël.
Il sera un signe de contradiction et toi, ton âme sera traversée d’un glaive’Lc 2, 34-35
« Pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord les uns avec les autres » Rm 12, 15-16
Cette rencontre de Jésus avec sa maman Marie est chargée d’émotion et de larmes bouleversantes.
S’y exprime l’invincible force de l’amour maternel qui surpasse tout obstacle et sait ouvrir toute
route. Mais encore plus vif est le regard solidaire de Marie, qui partage et donne force au Fils. Notre
cœur se remplit ainsi d’étonnement en contemplant la grandeur de Marie, en ce qu’elle se fait, elle
créature, ‘‘proche’ de son Dieu et Seigneur.
Elle recueille toutes les larmes de chaque maman pour ses enfants lointains, pour les jeunes
condamnés à mort, massacrés ou démolis par la guerre, surtout les enfants-soldats. Nous y
entendons le gémissement déchirant des mères, pour leurs enfants, mourants de tumeurs causées par
les incendies des déchets toxiques.
Larmes très amères ! Partage solidaire du supplice des enfants ! Mères qui veillent la nuit, avec les
lampes allumées, anxieuses pour les jeunes emportés par la précarité ou engloutis par la drogue et
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
l’alcool, surtout les samedis soirs.
Autour de Marie, nous ne serons jamais un peuple orphelin ! Jamais des oubliés. Comme à saint
Juan Diego, à nous aussi Marie offre la caresse de sa maternelle consolation et nous dit : « Que
votre cœur ne se trouble pas… Ne suis-je pas ici moi, qui suis ta Mère ? » (Exhort. ap. Evangelium
gaudium, 286).
V. Jésus est aidé par Simon Cyrène à porter sa croix
« Ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de
Rufus, qui revenait des champs » Mc 15, 21
Par hasard, passe Simon de Cyrène. Mais cela devient une rencontre décisive dans sa vie. Il revenait
des champs. Homme d’effort et de vigueur. Pour cela, il a été contraint à porter la croix de Jésus,
condamné à une mort infâme (cf. Ph 2, 8).
Mais de fortuite, cette rencontre se transformera en une suite décisive et vitale de Jésus, portant
chaque jour sa croix, renonçant à lui-même (cf. Mt 16,24-25). Simon, en effet, est évoqué par Marc
comme le père de deux chrétiens connus dans la communauté de Rome : Alexandre et Rufus. Un
père qui a certainement imprimé dans le cœur de ses fils la force de la croix de Jésus. Parce que la
vie, si tu la tiens trop serrée, moisit et se dessèche. Mais si tu l’offres, elle fleurit et se fait épis de
grain, pour toi et pour toute la communauté.
se trouve la vraie guérison de notre égoïsme, toujours aux aguets. La relation avec les autres
nous régénère et crée une fraternité mystique, contemplative, qui sait admirer la grandeur sacrée du
prochain, qui sait découvrir Dieu en chaque être humain, qui sait supporter les contrariétés de la vie,
en s’accrochant à l’amour de Dieu. C’est seulement en ouvrant le cœur à l’amour divin, que je suis
incité à chercher le bonheur des autres à travers les multiples gestes du volontariat : une nuit à
l’hôpital, un prêt sans intérêts, une larme essuyée en famille, la gratuité sincère, l’engagement
clairvoyant au service du bien commun, le partage du pain et du travail, en vainquant toute forme de
jalousie et d’envie.
C’est Jésus lui-même qui nous le rappelle : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus
petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
VI. ronique essuie le visage de Jésus
« Mon cœur m’a redit ta parole :‘Cherchez ma face.’ C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne
me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse
pas, ne m’abandonne pas, Dieu, mon salut ! » Ps 27, 8-9
Jésus se traîne à bout de souffle, haletant. Mais la lumière sur son visage reste intacte. Il n’y a pas
offense qui puisse s’opposer à sa beauté. Les crachats ne l’ont pas obscurcie. Les gifles ne sont pas
arrivées à l’éteindre. Ce visage apparaît comme un buisson ardent qui, plus il est outragé, plus il
réussit à émettre une lumière de salut. Des larmes silencieuses coulent des yeux du Maître. Il porte
le poids de l’abandon. Et pourtant Jésus avance, il ne s’arrête pas, il ne se retourne pas. Il affronte
l’oppression. Il est troublé par la cruauté, mais Lui, il sait que sa mort ne sera pas vaine.
Face à une femme qui vient à sa rencontre sans hésitation, Jésus alors s’arrête. C’est Véronique,
vraie image féminine de la tendresse !
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
Le Seigneur, ici, incarne notre besoin de gratuité amoureuse, de nous sentir aimés et protégés par
des gestes empressés et prévenants. Les caresses de cette créature se baignent du sang précieux de
Jésus et semblent enlever les actes de profanation qu’il a subis, en ces heures de tortures. Véronique
arrive à toucher le doux Jésus, à effleurer sa candeur. Non seulement pour soulager, mais aussi pour
participer à sa souffrance. En Jésus, elle reconnaît tout prochain à consoler, avec une touche de
tendresse, pour rejoindre le gémissement de douleur de tous ceux qui aujourd’hui ne reçoivent ni
assistance ni chaleur de compassion. Et meurent de solitude.
VII. Jésus tombe pour la seconde fois
« Elles m’ont cerné, encerclé… Elles m’ont cerné comme des guêpes : (-ce n’était qu’un feu de
ronces-) au nom du Seigneur, je les détruis ! On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ; mais le
Seigneur m’a défendu. Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé, mais sans me livrer à la mort »
Ps 117, 11.12-13.18
Vraiment en Jésus s’accomplissent les prophéties antiques du Serviteur humble et obéissant, qui
prend sur ses épaules toute notre histoire de douleur. Et ainsi Jésus, poussé en avant par force,
s’écroule par terre, sous le poids de la fatigue et de l’oppression, encerclé, entouré par la violence,
privé désormais de force. Toujours plus seul, toujours plus dans les ténèbres ! Lacéré dans la chair,
affaibli dans les os.
Nous reconnaissons en Lui l’expérience amère des détenus de chaque prison, avec toutes ses
contradictions inhumaines. Entourés et encerclés, "poussés avec force à tomber". La prison,
aujourd’hui, est encore tenue trop à l’écart, oubliée, pudiée par la société civile. Il y a les
absurdités de la bureaucratie, les lenteurs de la justice. Double peine est ensuite la surpopulation
carcérale : c’est une douleur aggravée, une injuste oppression, qui consume la chair et les os.
Certains beaucoup trop ne s’en sortent pas… Et même quand l’un de nos frères sort, nous le
considérons encore comme un ‘ex-détenu’’, en lui fermant ainsi les portes du rachat social et du
travail.
Mais plus grave est la pratique de la torture, hélas toujours diffuse en diverses parties de la terre, en
de multiples formes. Comme ce fut le cas pour Jésus : Lui aussi frappé, humilié par une horde de
soldats, torturé sous la couronne d’épines, flagellé avec cruauté.
Comme nous la sentons vraie, aujourd’hui, face à cette chute, la parole de Jésus : « J’étais en prison
et vous êtes venus me visiter » (Mt 25, 36). En chaque prison, près de chaque torturé, Il est toujours
présent, lui le Christ souffrant, emprisonné et torturé. Même durement éprouvés, c’est Lui notre
aide, pour que nous nous ne rendions pas à la peur. On se relève uniquement ensemble,
accompagnés par de valides assistants, soutenus par la main fraternelle des volontaires et relevés
par une société civile, qui fait siennes les nombreuses injustices dans les murs d’une prison.
VIII. Jésus rencontre les femmes de Jérusalem
« Filles de Jérusalem, ne pleurez-pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! »
Lc 23, 28
Les figures féminines se présentent comme des flambeaux allumés le long du chemin de douleur.
Femmes de fidélité et de courage qui ne se laissent pas intimider par les gardes ni scandaliser par les
plaies du Bon Maître. Elles sont prêtes à le rencontrer et à le consoler. Jésus est devant elles. Il y
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
en a qui le frappent alors qu’il s’effondre à terre, épuisé. Mais les femmes sont là, promptes à lui
donner cette émotion chaleureuse que le cœur ne peut plus réfréner. Elles le regardent d’abord de
loin, mais se rapprochent ensuite, comme fait tout ami, tout frère ou sœur quand il s’aperçoit de la
difficulté que vit la personne aimée.
Jésus est bouleversé par leurs pleurs amers, mais il les exhorte à ne pas laisser leur cœur se
consumer en le voyant si affligé, pour être non plus des femmes qui pleurent mais des femmes qui
croient ! Il demande une douleur partagée et non une commisération stérile et larmoyante. Non plus
des plaintes, mais l’envie de renaître, de regarder en avant, de poursuivre le chemin avec foi et
espérance vers cette aurore de lumière qui surgira encore plus aveuglante sur le visage de tous ceux
qui marchent tournés vers Dieu. Pleurons sur nous-mêmes si nous ne croyons pas encore en ce
Jésus qui nous a annoncé le Royaume du salut. Pleurons sur nos péchés non encore confessés.
Et aussi, pleurons sur ces hommes qui déchargent sur les femmes la violence qu’ils ont en eux.
Pleurons sur les femmes devenues esclaves de la peur et de l’exploitation. Mais il ne suffit pas de se
battre la poitrine et d’éprouver de la compassion. Jésus est plus exigeant. Les femmes doivent être
rassurées comme il l’a fait lui, aimées comme un don inviolable pour toute l’humanité. Pour la
croissance de nos enfants, en dignité et en espérance.
IX. sus tombe pour la troisième fois
« Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la
faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs
grâce à celui qui nous a aimés ! » Rm 8, 35.37
Saint Paul énumère ses épreuves, mais il sait qu’avant lui Jésus y est passé, lui qui est tombé une,
deux, trois fois sur le chemin du Golgotha. Anéanti par les tribulations, par la persécution, par le
glaive, écrasé par le bois de la croix. Épuisé ! Il semble dire, comme nous dans beaucoup de
moments sombres : je n’en peux plus !
C’est le cri de ceux qui sont persécutés, des mourants, des malades en phase terminale, des
opprimés sous le joug.
Mais en Jésus, sa force est aussi visible : « S’il est affligé, il aura pitié » (Lm 3, 32).Il nous indique
qu’il y a toujours sa consolation dans l’affliction, un “au-delà” à entrevoir dans l’espérance. Comme
l’émondage des arbres que le Père céleste pratique avec sagesse sur les sarments qui portent du fruit
(cf. Jn 15, 8). Jamais pour abattre, mais toujours pour la nouvelle floraison. Comme une mère
quand arrive son heure : elle est affligée, elle gémit, elle souffre dans l’enfantement. Mais elle sait
que, vraiment par cette taille, ce sont les douleurs de la vie nouvelle, du printemps en fleurs.
Que la contemplation de Jésus accablé, mais capable de se relever, nous aide à savoir vaincre les
enfermements que la peur du lendemain imprime dans notre cœur, surtout en ce temps de crise.
Dépassons la mauvaise nostalgie du passé, le confort de l’immobilisme, du on a toujours fait ainsi !
Ce Jésus qui chancelle et tombe, mais ensuite se relève, est la certitude d’une espérance qui,
alimentée par la prière intense, naît justement au sein de l’épreuve et non après l’épreuve ni sans
l’épreuve ! Nous serons plus que vainqueurs, grâce à son amour !
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
X. Jésus est dépouillé de ses vêtements
« Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour
chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce
de haut en bas. Alors ils se dirent entre eux : “Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui
l’aura”. Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : “Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré
au sort mon vêtement”. C’est bien ce que firent les soldats » Jn 19, 23-24
Ils ne laissèrent pas même un bout d’étoffe qui couvrît le corps de Jésus. Ils le dénudèrent. Il n’avait
ni manteau ni tunique, aucun vêtement. Ils le dénudèrent comme acte d’extrême humiliation. C’était
seulement le sang qui le couvrait, qui sortait à flots de ses grandes blessures.
La tunique resta intacte : symbole de l’unité de l’Église, une unité à retrouver en un chemin patient,
dans une paix artisanale, construite chaque jour, dans un tissu recomposé avec les fils d’or de la
fraternité, dans la réconciliation et dans le pardon réciproque.
En Jésus, innocent dénudé et torturé, reconnaissons la dignité violée de tous les innocents,
spécialement des petits. Dieu n’a pas empêché que son corps dépouillé fût exposé sur la croix : il l’a
fait pour racheter chaque abus injustement couvert et démontrer que Lui, Dieu, est irrévocablement
et sans moyens termes du côté des victimes.
XI. sus est crucifié
« Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de
chacun. C’était la troisième heure (c’est-à-dire : neuf heures du matin) lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : “Le roi des Juifs”. Avec lui,
ils crucifient deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Et fut accomplie l’Écriture qui dit :
Il a été compté avec les pécheurs » Mc 15, 24-28
Et ils le crucifièrent ! La peine des infâmes, des traîtres, des esclaves rebelles. Voilà la
condamnation réservée à notre Seigneur Jésus : clous rudes, douleur lancinante, le supplice de la
mère, la honte d’être uni à deux bandits, les vêtements partagés comme butin entre les soldats, les
moqueries cruelles des passants : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même !
Qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui ! » (Mt 27, 42)
Et ils le crucifièrent ! Jésus ne descend pas, il n’abandonne pas la croix. Il reste, obéissant jusqu’au
bout à la volonté du Père. Il aime et il pardonne.
Aujourd’hui aussi, comme Jésus, beaucoup de nos frères et sœurs sont cloués sur un lit de douleur,
dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite, dans nos familles. C’est le temps de l’épreuve, dans
l’amertume des jours de solitude et aussi de désespoir. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ? » (Mt 27, 46)
Que nos mains ne soient jamais pour transpercer mais pour approcher, consoler et accompagner les
malades les relevant de leur lit de douleur. La maladie ne demande pas de permission. Elle arrive
toujours de façon inattendue. Parfois elle bouleverse, limite les horizons, met à dure épreuve
l’espérance. Son fiel est amer. Mais si nous trouvons, à côté de nous, quelqu’un qui nous écoute, qui
se tient près de nous, s’assied sur notre lit… seulement alors, la maladie peut devenir une grande
école de sagesse, de rencontre avec le Dieu Patient. Quand quelqu’un prend sur lui nos infirmités,
par amour, alors même la nuit de la douleur s’ouvre à la lumière pascale du Christ crucifié et
ressuscité. Ce qui humainement est une condamnation peut se transformer en offrande rédemptrice,
pour le bien de nos communautés et de nos familles. À l’exemple des saints.
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
XII. Jésus meurt sur la croix
« Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au
bout, Jésus dit : “J’ai soif. ” Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc
une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope et on l’approcha de sa bouche. Quand il
eut pris le vinaigre, Jésus dit : “ Tout est accompli. ” Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit »
Jn 19, 28-30
Les sept paroles de Jésus sur la croix sont un chef d’œuvre d’espérance. Jésus, lentement, avec des
pas qui sont aussi les nôtres, traverse toute l’obscurité de la nuit, pour s’abandonner avec confiance
entre les bras du Père. C’est le gémissement des mourants, le cri des désespérés, l’invocation des
perdants. C’est Jésus !
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” (Mt 27, 46). C’est le cri de Job, de tout
homme frappé par le malheur. Et Dieu se tait. Il se tait parce sa réponse est là, sur la croix : c’est
Lui, Jésus, la réponse de Dieu, Parole éternelle incarnée par amour.
Souviens-toi de moi…(Lc 23,42). L’invocation fraternelle du malfaiteur, fait compagnon de
douleur, pénètre le cœur de Jésus, qui y entend l’écho de sa douleur-même. Et Jésus écoute cette
supplication : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis” (Lc 23, 42-43). Toujours, la
douleur de l’autre nous rachète, parce qu’elle nous fait sortir de nous-mêmes.
Femme, voici ton fils ! …”(Jn 19, 26). Mais c’est sa Mère, Marie, qui avec Jean se tenait sous la
croix, brisant la peur. Il la remplit de tendresse et d’espérance. Jésus ne se sent plus seul. Comme
pour nous, si, à côté de notre lit de douleur, il y a quelqu’un qui nous aime ! Fidèlement. Jusqu’au
bout.
J’ai soif (Jn 19, 28). Comme l’enfant demande à boire à la maman ; comme le malade brûlé de
fièvre… La soif de Jésus est celle de tous les assoiffés de vie, de liberté, de justice ; c’est la soif du
plus grand assoiffé : Dieu, qui, infiniment plus que nous, a soif de notre salut.
Tout est accompli” (Jn 19, 30). Tout : chaque parole, chaque geste, chaque prophétie, chaque
instant de la vie de Jésus. La tapisserie a reçu la dernière touche. Les mille couleurs de l’amour
maintenant resplendissent de beauté. Rien n’a été gaspillé. Rien n’a été jeté. Tout est devenu amour.
Tout est consommé pour moi et pour toi ! Et alors, la mort a aussi un sens !
Père pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu’ils font” (Lc 23, 34). Maintenant, héroïquement, Jésus
sort de la peur de la mort. Parce que si nous vivons dans l’amour gratuit, tout est vie. Le pardon
nous renouvelle, il guérit, transforme et console ! Il crée un peuple nouveau. Il arrête les guerres.
Père, entre tes mains, je remets mon esprit” (Lc 23, 46). Non plus la désespérance duvide. Mais la
confiance pleine entre les mains du Père, l’abandon à son cœur. Parce que en Dieu, chaque
fraction se recompose, finalement en unité !
XIII. Jésus est descendu de la croix
« Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et
qui était devenu, lui aussi, ami de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus.
Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette » Mt 27, 57-58
Avant d’être mis au tombeau, Jésus est remis finalement à sa Mère. C’est l’icône d’un cœur
Chemin de Croix avec le Pape François (2014)
transpercé qui nous dit que la mort n’empêche pas le dernier baiser de la mère à son enfant. Prostrée
sur le corps de Jésus, Marie s’enchaîne dans une étreinte totale avec Lui. Cette icône est appelée
simplement Pietà”. C’est poignant, mais cela montre que la mort ne rompt pas l’amour. Parce que
l’amour est plus fort que la mort ! L’amour pur est celui qui dure. Le soir est arrivé. La bataille est
remportée. L’amour n’a pas été brisé. Celui est prêt à sacrifier sa vie pour le Christ, la retrouvera.
Transfigurée, au-delà de la mort.
Des larmes et du sang sont mêlés en cette tragique remise. Comme la vie dans nos familles qui, par
moments, est bouleversée par des pertes imprévues et douloureuses, avec un vide impossible à
combler, surtout lors de la mort d’un enfant.
Pietàsignifie alors se faire proche des frères qui sont dans le deuil et sont inconsolables. C’est
une grande charité de prendre soin de celui qui souffre dans son corps couvert de plaies, dans son
esprit dépressif, dans son âme désespérée. Aimer jusqu’au bout est l’enseignement suprême que
nous ont laissé Jésus et Marie. C’est la mission fraternelle quotidienne de la consolation, qui nous
est donnée dans cette étreinte fidèle entre Jésus mort et sa Mère douloureuse.
XIV. Jésus est mis au tombeau
« À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans
lequel on n’avait encore déposé personne. C’est là qu’ils déposèrent Jésus » Jn 19, 41-42
Ce jardin, se trouve le tombeau Jésus est mis, rappelle un autre jardin : celui de l’Éden. Un
jardin qui, à cause de la désobéissance, perdit sa beauté et devint désolation, lieu de mort et non
plus de vie.
Les branches sauvages qui nous empêchent de respirer la volonté de Dieu, comme l’attachement à
l’argent, à l’orgueil, au gaspillage de la vie doivent être taillées et greffées maintenant au bois de la
croix. C’est cela le nouveau jardin : la croix plantée dans la terre !
De là-haut, Jésus pourra désormais tout ramener à la vie. Une fois revenu des profondeurs des
enfers, Satan a enfermé un grand nombre d’âmes, il commencera le renouvellement de toutes
choses. Ce sépulcre représente la fin du vieil homme. Et comme pour Jésus, pour nous aussi, Dieu
n’a pas permis que ses enfants soient frappés de la mort définitive. Dans la mort du Christ tombent
tous les trônes du mal, basés sur l’avidité et sur la dureté du cœur.
La mort nous désarme, nous fait comprendre que nous sommes exposés à une existence terrestre qui
a un terme. Mais c’est devant ce corps de Jésus déposé au tombeau que nous prenons conscience de
qui nous sommes : des créatures qui, pour ne pas mourir, ont besoin de leur Créateur. Le silence qui
enveloppe ce jardin nous permet d’écouter le bruissement d’une brise légère : Je suis le Vivant, et
je suis avec vous” (cf. Ex 3, 14). Le voile du temple s’est déchiré. Finalement nous voyons le visage
de notre Seigneur ! Et nous connaissons en plénitude son nom : Miséricorde et Fidélité, pour ne
jamais rester confus, même devant la mort, parce que le Fils de Dieu fut libre parmi les morts (cf.
Ps 87, 6 Vulg.).